Sagesse n'est pas séparable de la métamorphose que Verlaine a connue au mois de juin 1874, lorsqu'il s'est converti dans la prison où il avait été conduit pour avoir, à Bruxelles, tiré sur Rimbaud. Un changement radical s'en est suivi, qui n'est pas seulement religieux mais aussi politique puisque le poète, républicain naguère, soutient la cause légitimiste. Et cependant, le recueil qui contient bien des pièces antérieures à la conversion est moins cohérent que ne le donne à penser son architecture rigoureuse et, par sa dimension à la fois personnelle, politique, sociale, religieuse, il présente au lecteur les multiples facettes d'un art qui ne se réduit ni à un contenu ni à une facture uniques. Quand Verlaine fait paraître le volume, en décembre 1880, chez un éditeur catholique, il s'attache néanmoins à souligner la rupture que ces vers nouveaux viennent ouvrir en son œuvre — et c'est l'incompréhension qui prévaut parmi les lecteurs: néo-romantique par ses thèmes comme par son lyrisme, cette poésie déroute. Quinze ans plus tard, à la mort de Verlaine, Sagesse sera néanmoins devenu son plus grand recueil.