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Книги Paul Verlaine
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Sagesse n'est pas séparable de la métamorphose que Verlaine a connue au mois de juin 1874, lorsqu'il s'est converti dans la prison où il avait été conduit pour avoir, à Bruxelles, tiré sur Rimbaud. Un changement radical s'en est suivi, qui n'est pas seulement religieux mais aussi politique puisque le poète, républicain naguère, soutient la cause légitimiste. Et cependant, le recueil qui contient bien des pièces antérieures à la conversion est moins cohérent que ne le donne à penser son architecture rigoureuse et, par sa dimension à la fois personnelle, politique, sociale, religieuse, il présente au lecteur les multiples facettes d'un art qui ne se réduit ni à un contenu ni à une facture uniques. Quand Verlaine fait paraître le volume, en décembre 1880, chez un éditeur catholique, il s'attache néanmoins à souligner la rupture que ces vers nouveaux viennent ouvrir en son œuvre — et c'est l'incompréhension qui prévaut parmi les lecteurs: néo-romantique par ses thèmes comme par son lyrisme, cette poésie déroute. Quinze ans plus tard, à la mort de Verlaine, Sagesse sera néanmoins devenu son plus grand recueil. |
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Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant. D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. Car elle me comprend, et mon coeur, transparent Pour elle seule, hélas cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Est-elle brune, blonde ou rousse? — Je l'ignore.Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues. Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui se sont tues. |
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Pour exorciser le souvenir de ses amours passionnées avec Rimbaud, Verlaine se lance à corps perdu dans l'ivresse poétique et physique. Du bordel aux amours lesbiennes, des fêtes sensuelles aux plaisirs vécus comme des vices, le poète alterne chansons gauloises et élans de désespoir, vers d'érotisme précis et rêveries amoureuses... Parallèlement, Chansons pour elle, Chair, trois courts recueils de poèmes à l'érotisme tendre et ambigu. |
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Des Poèmes saturniens, entendons qu'ils sont placés sous le signe de Saturne. Ils seront donc inspirés: il n'était pas inutile de l'affirmer alors que régnaient encore des versificateurs parnassiens. Ils seront aussi baignés d'une rêverie douce et savante, tandis que le poète tournera son regard vers l'intérieur. Point ou peu de récits ou d'anecdotes. Ici l'on se souvient, l'espace d'un sonnet — et non d'un interminable poème — sur un air de chanson grise. Et il n'est pas jusqu'à celle que l'on aime, qui ne prenne une forme incertaine. Tout semble simple. Tout est savant, mais d'une technique si maîtrisée qu'elle a cessé d'être visible, au point que beaucoup s'y sont trompés. Verlaine est un poète à la fois immédiat et difficile. Il exige donc une annotation riche et précise (combien de parodies qui avaient échappé jusqu'à cette édition à l'attention des lecteurs?), une attention à la langue et à la prosodie, alors, mais alors seulement, comme l'avait dit à peu près Ovide: «Maintenant, va, mon Livre, où le hasard te mène!» |
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Paul Verlaine (1844-1896) commença très tôt à mener une «délictueuse et criminelle sorte de vie» qui le conduisit à maintes reprises en prison: «Mes prisons» recense de manière chronologique toutes ses expériences cellulaires, de sa première mise au cachot pour une conjugaison latine mal apprise à ses arrestations pour trouble sur la voie publique, en passant par son incarcération à Mons après avoir tiré sur son ami Arthur Rimbaud. Loin de la légende qu'il a forgé du «poète maudit», il acquiesce au sort qui lui est réservé. Homme emporté et passionné, souvent ivre, il trouve en ses réclusions un havre où Il peut se consacrer à l'écriture. |
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«Or çà, mes hôpitaux de ces dernières années, adieu! sinon au revoir; alors, salut! en tout cas; j'ai vécu calme et laborieux chez vous». Ruiné depuis la mort de sa mère, souffrant de nombreux maux (ulcères, syphilis...), Paul Verlaine (1844-1896) vit ses dix dernières années entre l'hôtel et l'hôpital. Il y multiplie les séjours, commence par Tenon, finit par Bichat, fréquente entre-temps Cochin, l'asile de Vincennes, Saint-Antoine, Saint-Louis, préfère Broussais. Dans ses chroniques de la vie hospitalière, le poète se mue en prosateur d'un quotidien rugueux.» |
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«De la musique avant toute chose.» C'est dans sa prison de Belgique que Verlaine proclame les dogmes et les ruses de son «Art poétique», le fameux poème de jadis et naguère. A cette époque, du fond de sa débauche et de sa déchéance, il rêve de sagesse et d'harmonie, compose des vers «où rien ne pèse ni ne pose». C'est là, dans l'humilité, la résignation, quand il «tord le cou à l'éloquence» et transforme ses douleurs en mélodies magiques, qu'il reste incomparable. Pauvre et magnifique Verlaine, qui sacrifie sa misérable vie pour notre enchantement.» |
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