|
|
Gallimard-Folio
|
Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid, c'est mon habitude d'aller sur les cinq heures du soir me promener au Palais-Royal. C'est moi qu'on voit toujours seul, rêvant sur le banc d'Argenson. Je m'entretiens avec moi-même de politique, d'amour, de goût ou de philosophie. J'abandonne mon esprit à tout son libertinage. Je le laisse maître de suivre la première idée sage ou folle qui se présente, comme on voit, dans l'allée de Foy nos jeunes dissolus marcher sur les pas d'une courtisane à l'air éventé, au visage riant, à l'œil vif, au nez retroussé, quitter celle-ci pour une autre, les attaquant toutes et ne s'attachant à aucune. Mes pensées, ce sont mes catins. |
|
Retiré dans la vaste propriété familiale, à Bergheim, dans le Wurtemberg, un musicien célèbre revoit son enfance, cet univers déchiré entre deux langues, composé de chats, d'enfants, de vieilles demoiselles d'un raffinement d'un autre âge. Il revoit sa mère qui l'a abandonné quand il avait quatre ans. Il découvre ce qui fait le centre, peut-être, de sa vie: l'amitié qu'il a portée à Florent, dans les années soixante. Les années passent et des êtres qui s'étaient séparés dans la violence ou dans la tristesse, dix ans après, se retrouvent. Ce sont des souvenirs qui tout à coup mettent le sang aux joues, des couleurs qui brusquement luisent, des sons, des visages et des noms qui font soudain sauter le cœur. |
|
Ce roman (1833) est inspiré, moins par la vie que par la personne de George Sand. L'héroïne est une femme d'action, mais dévorée du démon de l'analyse, et dont le charme opère sur bien des hommes: le poète Sténio (on songe à Musset), l'ancien aventurier converti, Trenmor, l'ermite Magnus. Lélia cherche la paix en devenant l'abbesse d'un couvent. Sténio l'y retrouve et c'est le drame. George Sand distinguait elle-même dans son livre une question psychologique, une question sociale (la femme dans la société), la poésie des personnages, le style qui traduit cette poésie. Lélia, ajoutait-elle, signifie la déception, la souffrance, le cœur défiant et desséché, le désespoir. — Sténio signifie l'espérance, la confiance dans l'avenir, l'amour. L'auteur apporte une philosophie, celle du désespoir lucide, au service d'un grand livre. |
|
Un homme a froid parce qu'il a oublié un ancien prénom. Il collectionne sur la terre entière tout ce qu'une main d'enfant peut étreindre. A Rome, à Tokyo, à Paris, à Londres, Edouard Furfooz vend des vieux jouets, des poupées, des miniatures, des dessus de tabatière: il vend les dons des Saturnales. Arrive le solstice d'hiver, où tout ce qui est petit est aimé, où les jours sont les plus courts. Alors que l'année, le feu, le soleil se préparent à revenir, c'est un intense amour qui revient. |
|
«Dans la nuit du 2 au 3 janvier 1864, le Grafton sombre au large de la Nouvelle-Zélande. Les cinq hommes qui composent l'équipage, tous de nationalités différentes, trouvent refuge sur une île inhabitée. Pendant les vingt mois qu'ils y passent, François Edouard Raynal, le second du capitaine, apparaît tour à tour comme «le consolateur, le conseiller, le guide, l'ouvrier par excellence de l'infortunée colonie». De retour dans sa patrie après vingt ans d'errance, il publie, en 1870, «Les Naufragés des Auckland», qui rencontre un très vif succès en France puis à l'étranger. Comme le souligne Simon Leys dans son éclairante préface à la présente édition, tout porte à croire que la lecture de Raynal a inspiré à Jules Verne son roman le plus célèbre, «L'Ile mystérieuse».» |
|
Lorsque l'Armée rouge menace de s'emparer de la Crimée, Martin et sa mère fuient en Europe de l'Ouest. C'est à Cambridge que le jeune héros va faire ses études. Il y côtoie des Anglais, tel son ami Darwin, mais aussi des Russes, plus ou moins anglophiles. Il y retrouve surtout Sonia, sa jeune et intelligente cousine. Est-ce pour l'impressionner qu'il décide de transcender sa nature et imagine un projet inutile et fou? |
|
J'espère qu'on me comptera pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas: comme si ce n'était rien, que d'enlever, en une soirée, une jeune fille à son Amant aimé, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras; d'en obtenir ce qu'on n'ose pas même exiger de toutes les filles dont c'est le métier; et cela, sans la déranger en rien de son tendre amour... En sorte qu'après ma fantaisie passée, je la remettrai entre les bras de son Amant, pour ainsi dire, sans qu'elle se soit aperçue de rien. |
|
«Peut-on comparer le bon gros mensonge masculin, stratégique, architecturé, aussi ancien que la réponse de Caïn, avec ces charmants petits mensonges de femmes dans lesquels on ne décèle aucune bonne ou mauvaise intention, ni même aucun espoir de profit? Que de charme, que de talent, que de candeur et d'insolence, que d'inspiration créatrice et de panache! Il n'y a là ni calcul, ni espoir, ni profit, ni machinations... Chez les femmes, le mensonge est un phénomène de la nature, comme les bouleaux, le lait ou les frelons»... Dans ce roman à épisodes, Ludmila Oulitskaïa nous propose de subtiles variations sur le mensonge au féminin. A travers Génia, le personnage principal, elle nous livre les affabulations d'Irène, Lialia, ou encore Anna... et chaque histoire illustre l'étendue de son talent, son sens de l'observation et, surtout, une grande tendresse pour les faiblesses de la nature humaine.» |
|
«Des jours durant, j'ai décliné le visage et le nom»: Paule, ma Paule, ma petite Paule du bord de mer, du centre des terres sous les volées d'orage, des soirs de Gand et de Lille», j'ai brassé ses cheveux et sa nuque, ses épaules et ses cuisses, le rire dans ses yeux, et je tentais de l'unir, ma Paule en allée, à l'impossible mot... morte, morte, morte»... Face à la perte de Paule, le narrateur fuit les lieux où ils ont vécu et finit par s'installer dans le village de Feil, sur la Meuse. Dans ces paysages nostalgiques et cette atmosphère brumeuse, la présence de Paule devenue obsédante se mêle aux souvenirs d'une enfance douloureuse. Dans Meuse l'oubli, Philippe Claudel évoque avec talent le renoncement et l'acceptation du deuil, et restitue avec justesse et pudeur cette souffrance que seul le temps atténue.» |
|
«Dans La Femme au collier de velours et dans les nouvelles qui composent Les Mille et Un Fantômes, Dumas présente un tour d'horizon du fantastique, du plus traditionnel au plus surprenant : fantômes, visions et vampires sont mobilisés, mais aussi les obsessions morbides de la génération post-révolutionnaire. Les têtes coupées parlent, les corps suppliciés se redressent et témoignent de l'abdication de la raison devant une histoire chaotique et proprement infernale. «Croyez-vous, Monsieur Ledru, demanda Jacquemin à demi-voix, croyez-vous qu'une tête puisse parler, une fois séparée du corps M. Ledru poussa une exclamation qui ressemblait à un cri, et pâlit visiblement. — Le croyez-vous? dites, répéta Jacquemin. M. Ledru fit un effort. — Oui, dit-il, je le crois. — Eh bien!... eh bien!... elle a parlé. — Qui? — La tête... la tête de Jeanne».» |
|
«Le roman foisonnant où Céline raconte son enfance et sa jeunesse: «C'est sur ce quai-là, au 18, que mes bons parents firent de bien tristes affaires pendant l'hiver 92, ça nous remet loin». C'était un magasin de «Modes, fleurs et plumes». Y avait en tout comme modèles que trois chapeaux, dans une seule vitrine, on me l'a souvent raconté. La Seine a gelé cette année-là. Je suis né en mai. C'est moi le printemps.» |
|
Je me souviens du moins d'une grande fille magnifique qui avait dansé tout l'après-midi. Elle portait un collier de jasmin sur sa robe bleue collante, que la sueur mouillait depuis les reins jusqu'au jambes. Elle riait en dansant et renversait la tête. Quand elle passait près des tables, elle laissait après elle une odeur mêlée de fleurs et de chair. |
|
Ce dialogue brillant et drôle est un véritable traité de l'acteur et du théâtre, et des poètes et des arts en général. Diderot a, toute sa vie, subi la fascination du théâtre. Attentif à la représentation, il pressent l'un des premiers l'importance de la mise en scène en fonction de quoi l'acteur doit régler son interprétation. Diderot admire les comédiens, tout en s'en méfiant; d'où les affirmations célèbres suivant lesquelles ils sont les moins sensibles des hommes et doivent garder leurs distances par rapport à leur personnage. |
|
L’histoire de la capitale, de la Lutèce des origines jusqu’à nos jours, évoquée par des photos ou des documents anciens. Des planches d’architecture restituant le Paris médiéval et celui de l’Ancien Régime, les grands travaux d’Haussmann et ceux du XXe siècle. Un gros plan sur des monuments symboles: Sainte-Chapelle, Notre-Dame, Arc de Triomphe, Sacré-Coeur, Tour Eiffel... La faune et la flore urbaines mises en images par des illustrateurs naturalistes. Une découverte des principaux musées, de A comme Arts et Métiers à Z comme Zadkine. Deux dépliants spectaculaires: l’évolution du Louvre, du donjon médiéval au plus grand musée du monde; le musée d’Orsay, gare désaffectée transformée en pôle artistique majeur. Un panorama de l’art de vivre et des traditions parisiennes: la mode, la gastronomie, l’histoire du métro, des cafés et des cabarets... Le regard des écrivains et des artistes sur la ville à travers une sélection d’extraits littéraires et de peintures. |
|
«A propos de l'amour, il disait: «Il y a un signe infaillible auquel on reconnaît qu'on aime quelqu'un d'amour, c'est quand son visage vous inspire plus de désir physique qu'aucune autre partie de son corps». S'il y avait eu une tombe, voici l'épitaphe qu'il aurait voulu qu'on y inscrivît: Je t'ai adorée, tu me l'as rendu au centuple. Merci, la vie!» |
|
«Après un long silence dû à la maladie. Marguerite Duras publiait en 1990 «la pluie d'été». Ernesto le héros vit dans une famille nombreuse et pauvre, parents immigrés, chômeurs, mais son environnement ne l'empêche pas d'être un génie. La complicité entre Ernesto et sa sœur Jeanne les conduit à l'inceste. Ernesto est heureux dans le malheur de l'être, ce qu'il vit est un bonheur contradictoire, douloureux. Le feu sous la cendre La vraie chaleur et le secret espoir sont dans la complicité qui unit les membres de la famille. Ernesto et Jeanne, après la pluie d'été qui marque la fin de l'envoûtement et de l'enfance se sépareront.» |
|
Personnage qui va droit au cœur, le professeur Timofey Pavlovitch Pnine est un savant russe transplanté aux États-Unis, inadapté captivant et délicieux qui incarne l'héroïsme de l'échec et une sorte de drôlerie qui tire les larmes... |
|
«De décembre 1964 à juin 1965, du Pérou aux Cyclades en passant par Tahiti et la Californie, j'ai vécu une aventure dont je rapporte ici les péripéties intérieures. Valet du roman, je suis un Sganarelle aux gages du chef-d'œuvre, gages que je ne toucherai probablement jamais. Mon souci dominant ayant été la poursuite d'un personnage et d'un roman, je ne pouvais me dispenser de m'empoigner avec quelques «théories» littéraires et philosophiques que les hommes de ma génération ont vu pousser en bordure du chemin. En relisant l'ouvrage, je suis surpris et peiné par le caractère modéré et courtois du ton. Je regrette de ne pas avoir su parler de quelques outrecuidantes escroqueries, fumisteries et fourberies intellectuelles de notre époque avec un peu moins de retenue. Pour Sganarelle peut donc être considéré comme une préface à un roman en cours d'élaboration: Frère Océan.» |
|
«En somme, je vais parler de ceux que j'aimais», écrit Albert Camus dans une note pour Le premier homme. Le projet de ce roman auquel il travaillait au moment de sa mort était ambitieux. Il avait dit un jour que les écrivains «gardent l'espoir de retrouver les secrets d'un art universel qui, à force d'humilité et de maîtrise, ressusciterait enfin les personnages dans leur chair et dans leur durée». Il avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l'enfance de son «premier homme». Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. Mais c'est justement ce côté autobiographique qui est précieux aujourd'hui. Après avoir lu ces pages, on voit apparaître les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement. Pourquoi, toute sa vie, il aura voulu parler au nom de ceux à qui la parole est refusée.» |
|
On me reprochera certainement des quantités de choses. D'avoir dormi là, par terre, pendant des jours; d'avoir sali la maison, dessiné des calmars sur les murs, d'avoir joué au billard. On m'accusera d'avoir coupé des roses dans le jardin, d'avoir bu de la bière en cassant le goulot des bouteilles contre l'appui de la fenêtre: il ne reste presque plus de peinture jaune sur le rebord en bois. J'imagine qu'il va falloir passer sous peu devant un tribunal d'hommes; je leur laisse ces ordures en guise de testament; sans orgueil, j'espère qu'on me condamnera à quelque chose, afin que je paye de tout mon corps la faute de vivre... |
|